CREATION 2023
« On prétend que l’âme des morts survit aussi longtemps que quelqu’un est capable de prononcer leur nom. »
Paule Atlan (psychologue et comédienne) et Cyrille Atlan (autrice et metteure en scène) viennent vous raconter leur enquête familiale dans les papiers jaunis de l’asile d’aliénés de Montperrin à Aix-en-Provence.
L’histoire de la psychiatrie vient s’entremêler au destin hors-norme de leur aïeule Henriette Ouzilou.
Une épopée intime entre la France et l’Algérie dans les rouages de la folie.
CONFERENCES :
8 décembre à 20h – BORDEAUX chez l’habitante
11 décembre à 14h – Cinéma de Mirepoix. MIMA et Lycée de Mirepoix
2 avril à 18h – Faculté Vauban à Nîmes. LE PERISCOPE
« Villalier, le 26 janvier 2022
A l’attention de Monsieur le directeur de l’asile d’aliénés de MontPerrin.
Monsieur le directeur,
Nous venons par cette lettre solliciter votre haute bienveillance et votre bon sens.
Comme nous vous le savez. Henriette veuve ADIJ, née OUZILOU est morte depuis 46 ans (aussi longtemps que son internement) et enterrée dans une fosse commune du cimetière des Milles dans le carré israélite avec Samoul El Bazrat et Salomon Paule dans l’allée 2266-C6 au n°R13A sous le nom d’OUZILOU Sultane.
De leurs vivants, sa fille Anna et son frère Eliaou ont tenté à différentes reprises de la libérer de l’enfer carcéral de votre asile. Il leur a toujours été répondu de manière froide et distante la même chose : MAINTENU, MAINTENU, MAINTENU.
Aujourd’hui, vous qui êtes dans les limbes, au seuil des damnés, vous Monsieur le directeur des aliénés, vous savez que la mort ne libère en rien. Elle continue ce qui a été dans la vie, d’autant plus si les regrets et les empêchements n’ont pu être exprimés.
Malgré vos barreaux, Henriette a réussi à visiter l’une d’entre nous par les voies invisibles des rêves et demande encore qu’on la libère.
C’est pourquoi, Monsieur le directeur des aliénés, nous vous demandons avec une insistance non contenue de la libérer sur le champ. Votre manège infernal a assez duré. La libérer en lui ouvrant les portes mais aussi en lui restituant son nom, son prénom, son culte, son statut de femme et non plus d’aliénés qui vous le savez monsieur le directeur, est littéralement une dépossession de soi. Demandez à vos médecins chefs depuis votre enfer qui était elle et qu’ont-ils fait d’elle ? Qui sont-ils tous ces hommes et ces femmes enfermés dans vos camisoles, réduits au simple rang d’aliénés ?
Henriette a été soumise au statut d’aliénés pendant quarante-six années de son vivant et quarante-six années depuis sa mort. Il est grand temps que ça cesse. Rendez là à elle-même. Rendez là nous. Faites en sorte qu’elle retourne à ses bons droits et qu’elle devienne ce qu’elle était avant que vous la réduisiez à votre néant, qu’elle devienne une femme, une mère, une grand-mère, une arrière grand-mère.
Il nous est très difficile de vous remercier car il est évident que vous êtes un des acteurs de la déchéance de mon aïeule et que malgré toutes les missives des vivants, vous n’avez rien entendu.
Nous vous serions tout de même gré, Monsieur le directeur des aliénés, d’agir de vos limbes pour que nous, petite fille et arrière petite fille d’Henriette, puissions nous mettre à l’ouvrage et recoudre, rapiécer, retisser nos liens avec elle et avec toute notre constellation familiale pour qu’enfin Henriette brille dans notre ciel.
Cyrille ATLAN, mère de deux enfants, fille de Bernard ATLAN, fils d’Anna ATLAN-ADIJ, fille d’Henriette ADIJ-OUZILOU
Paule ATLAN, mère de deux enfants, fille d’Anna ATLAN-ADIJ, fille d’Henriette ADIJ-OUZILOU »